Quand on est tout petit on pense que nos grands-parents sont immortels. On a l’impression qu’ils ne changent pas, qu’ils sont là et même qu’ils font partis du décor. On a ce sentiment que sans eux rien ne serait pareil et qu’on leur doit toute l’humanité qu’il y a dans un foyer. Puis le temps file, les heures défilent bien trop vite. Les jours et les saisons ne s’arrêtent plus, elles foncent à la vitesse de la lumière. Puis un jour sans même sans rendre compte ils deviennent ce que l’on peut appeler « vieux » ou encore « très vieux ». Parfois dans un couple, il y en a un des deux qui s’en va. Malheureusement un peu tôt et la suite est logique quand la vie nous arrache notre binôme. Très vite malgré les efforts de tous, la maison de retraite ou de repos pointe le bout de son nez. Nous avons l’habitude dans ces lieux, de faire des rencontres incroyables auxquelles on ne s’attend pas et de découvrir des tonnes d’histoires contées avec passion. Il y a toujours un mini temps d’adaptation et lorsque celui-ci est dépassé, tout se fait naturellement et devient magique. Ces papys et ces mamies pourraient être les nôtres alors on se laisse guider et embarquer dans une leçon de vie inattendue.
Il est presque midi et c’est bientôt l’heure du repas. De tout en haut on domine le match, on surplombe les joueurs. Certains ou certaines sont sur le banc des remplaçants sans espérer rentrer sur le terrain pour finir la rencontre, d’autres fixent l’écran et regardent défiler les images dans cette petite boîte noire fixée au mur. Les fleurs artificielles et les plantes vertes font parties du décor tout comme les chariots remplis de couches ou de médicaments. Les cris de certains sont présents comme une musique de fond parfois à en devenir agaçants.
Les heures de repas rythment la journée des résidents, l’ascenseur en guise de manège parfois plusieurs fois par jour guide les pas de tous. Les familles sont attendues de pied ferme tout comme les activités, les sorties ou les temps de discussions et de commérage entre copines pour casser une certaine routine. Les dames en blanc sont devenues des pierres précieuses dans le regard de tous. Le soleil transperce les volets et amène encore un peu plus d’amour que la veille. Mais très vite les aiguilles de la pendule s’amusent avec les gouttes de la pluie qui s’abattent telle une masse sur la fenêtre de toit. Les photos accrochées aux murs sont brandies fièrement comme un blason, un trophée ou l’écharpe d’un supporter de football. Ces images rappellent à chaque minute ce qu’il en est de la vie à l’extérieur et la personne qu’on est ou qu’on a été. En un instant nous voyons défiler la vie de chacun sur les cloisons. Les étages et les chambres se ressemblent, les fauteuils et les tenues du milieu médical aussi mais quand on creuse un peu on se rend vite compte que toutes les personnes que l’on croise ici possèdent une richesse impalpable et surtout leurs propres forteresses.
Le premier jour, lorsque l’on rentre dans cet endroit pour rien au monde on aimerait y rester et y passer du temps. Mais très vite tout s’inverse. Chaque regard et chaque sourire s’offrent à nous et deviennent rapidement de beaux cadeaux. Aujourd’hui, de lointains souvenirs s’inscrivent sur les murs de la maison de retraite pour se rappeler des moments passés et conserver l’espoir de regarder par la fenêtre pour découvrir le monde qui s’ouvre encore à nous. Des rencontres fabuleuses qui nous ont fait voyager dans le passé et encore plus donner de la force pour aller de l’avant.
Un immense merci du fond du cœur à toute les personnes que nous avons croisées ces trois jours et une spéciale tendre et forte dédicace à nos papys et nos mamies de ces trois jours, Raymonde, Nicole, Thérèze, Jean-Pierre, Lulue, Marie Jeanne, Solange, Guy, Charlotte, Elise, Yves et toute la bande sans exception. Une belle pensée et un immense merci à toute l’équipe en blanc, Lysianne, Elyane, les encadrants, le personnel, les femmes de ménages, les animatrices, les stagiaires, les aides-soignantes et certains membres des familles…
Cette aventure est et restera incroyable et inoubliable. On essaiera de passer vous voir mais en tout cas sachez qu’on ne vous oubliera pas et qu’on pensera à vous chaque jour. Prenez soin de vous et à très vite les amis.
Nous avons réalisé une fresque ainsi que différentes toiles avec une équipe de résidents et plusieurs volontaires durant trois jours. Cette expérience basée sur l’Art abstrait et la typographie restera pour inoubliable et une aventure riche et forte en partage et rencontres. Toutes les écritures que vous verrez ont été sélectionnées après de longs moments de discussions et d’échanges autour de la question des souvenirs et des choses du présent qui nous ramène à eux.
Voici une sélection de phrases de ces temps avec nos jeunes résidents :
Certaines odeurs me rappellent les fleurs. Je ne cueillais pas les perces neiges, je préférais les regarder sur place. / Je regarde les photos, elles me font voyager et suivre les aventures de ma famille./ La vue de la fenêtre me rappelle un peu celle que j’avais de ma salle à manger./ Je suis très rêveur, j’ai vite fait de décoller. Les tableaux et les livres évadent mon esprit./ Le parfum me permet de remonter les plus lointains souvenirs./ Le bleu me rappelle mon père. Il voulait que je prenne la mer. J’ai toujours été sensible aux paysages./ Le Trianon était superbe à l’automne avec le ton des feuilles, les sous-bois étaient magnifiques./ La musique classique arrête ma tristesse./ Le bleu ne m’a jamais porté malheur, il m’apaise./ Dans le temps, on avait des fleurs que l’on trouve moins aujourd’hui./ Les couleurs chaudes et l’odeur du chêne me rappellent la cheminée./ On faisait des veillées en jouant aux dames, aux petits chevaux. Il y avait une grande solidarité entre voisins. On travaillait beaucoup. Cela se terminait toujours par une chanson et un bon repas./ Je me rappelle la bonne odeur de la lessiveuse sur le feu. On remontait le champs avec les draps et ce parfum avec nous./ On faisait des ailes en papier./ J’aimerais revivre le triage du Chasselas./ Entre le marteau qui tapait les noix, l’un qui parlait, l’autre qui chantait. On s’entendait plus. C’est à vivre et à revivre. C’était la liberté./ A la maison, on ne mangeait pas de dessert sauf le dimanche. Quand je suis sorti de la maison, je ne savais pas cuisiner, je me suis alors acheter un cahier de cuisine./ Si tu loupes la fête du village, c’est que tu ne veux pas y aller./ Le ciel est bleu, la mer est verte, laissons donc la fenêtre ouverte.