Nos fesses coincées dans les sièges de la compagnie d’avion portugaise, on fait du coude à coude avec les autres passagers. Nous regardons constamment par le hublot si la terre se rapproche et si le pilote commence lentement la descente. Nous avons déjà quelques heures de route à notre compteur journalier. Après une première escale à Lisbonne, nous volons en direction de Rabat. Nous sommes excités et impatients de vivre les prochains jours qui nous attendent les bras ouverts. Nous pouvons difficilement envisager ce qui va se passer et laissons place à l’improvisation. Nous laissons filer les minutes sans tenter de les retenir. Nous arrêtons parfois le temps dans nos têtes pour le figer, tel une photo. Nous sommes persuadés qu’un jour viendra le moment de faire une séance de visionnage, pour se remémorer les bons moments, et remplir les étagères de notre vie avec des anecdotes aussi fortes les unes que les autres. Certains visages et un grand nombre de sourires resteront gravés en fond d’écran de nos existences, jusqu’à nos prochaines vies.
On court après la montre et même si nous avons beaucoup de temps libre, nous savons que ce soir nous sommes attendus pour célébrer le mariage de Hicham et Meryem. Hicham est un ami d’enfance.
La ville n’est pas encore noyé dans la pénombre de la nuit. A peine deux heures que nous sommes ici et nous enfilons déjà nos habits de soirée pour se laisser guider, peut-être jusqu’au bout de la nuit. Nous arrivons à la salle de réception dans les premiers. Nous prenons alors le temps d’apprécier le lieu, de découvrir chaque cm² de la salle immense au plafond de fleurs.
Déjà quelques heures avant l’arrivée des mariés, la magie opère. Il y a une ambiance particulière qui flotte dans l’atmosphère et notre réel ressenti est peu palpable. C’est une expérience inédite, un sentiment que nous ne connaissons pas. Il y a un mélange d’appréhension, d’anxiété et de bonheur mêlé à la découverte. Les invités arrivent au compte goutte, les gens sont beaux. Des connaissances et des vieux potes de village remplissent la salle des fêtes. Les différentes tenues et les couleurs, soigneusement choisies par tous, se floutent dans nos yeux d’enfant et se mélangent aux youyous et aux sons des darboukas. Tard dans la nuit les mariés arrivent la tête dans les étoiles, au milieu des nuages, dans une foule en ébullition. Malgré la fatigue, tout s’enchaîne très vite. Les plats se succèdent comme les robes de la mariée. Les sourires sont parfois figés mais souvent lucides et radieux. Il y a différentes saveurs à chaque coin de table. Nous espérons aller au lit avant que le soleil s’éveille, mais la fièvre musicale et l’ambiance marocaine en ont décidé autrement. Nous décidons tout de même de s’échapper avant le dessert vers 7h du matin. Nous aurons vu chaque tenue des mariés, assisté à toutes les photos prises sur le canapé central et nous avons fait le tour des discussions possibles au sein de notre table.
La soirée fut bonne, nous ne pouvions pas espérer mieux.
Nous nous réveillons quelques heures après, sans plus aucun repère. Nous avons ce sentiment de ne plus reconnaître les murs qui nous entourent. Nous sommes là au Maroc, perdus dans nos têtes avec des heures de sommeil manquantes. Nous avions prévu de peindre. Nous savons maintenant que ce sera plus dur que prévu. Il n’est pas loin de midi nous allons sur le toit terrasse du riad où nous vivons pour quelques jours, pour profiter du petit déjeuner. Après cette courte nuit, les plats que Badia nous a préparés vont certainement nous aider à mieux réfléchir. Nous posons simplement la question : « Y-a-t-il un mur pour réaliser une fresque. » A peine quelques minutes plus tard nous avons l’autorisation pour peindre un mur, derrière un bar. C’est le grand patron qui nous a donné son accord, même si nous nous rendrons compte, bien après, que le mur ne lui appartient pas…
Munis de notre sac à dos rempli d’appareils photos en tout genre nous partons entre copains arpenter les rues de Salé et découvrir différents coinstots. A peine quelques centaines de mètres plus loin, nous nous arrêtons chez Kabkab pour refaire le monde. Nous parlons de beaucoup de sujets qui construisent et solidifient petit à petit notre vision et notre amour des gens en général. Ce moment chez ce couturier / tailleur dans cette petite rue de la modeste voisine de la capitale restera gravé à jamais dans nos mémoires. Des vrais rires sans triche ont parfois laissé place aux pleurs et aux remises en question. Cette petite boutique où seul trois hommes peuvent rentrer est magique. Il n’y a pas un endroit où notre regard se pose sur du vide. Il y a des affiches, du matériel de couture, des calendriers, sa casquette délicatement posée et mille objets insolites, surprenants et beaux. Sous le regard attentif du roi Mohammed Six, nous continuons nos conversations qui parfois n’ont plus de sens. Une énorme paire de ciseaux, des bobines de fil par centaines, des draps de soie, des tenues du soir, des machines à coudre d’entre deux guerres font partie du décor, tout comme les shlagues de la rue et les tatoués, fraîchement sortis de prison, qui sont ici ou là. Ils nous regardent parfois bizarrement, mais nous accordent du temps pour discuter ou faire des photos… Notre route nous mènera encore et encore vers de nouvelles rencontres comme si la magie n’arrêtait jamais d’opérer. Nous nous rendons ensuite à la marina de Salé, traîner au milieu des bateaux, des pêcheurs et des locaux qui discutent sans compter sur la plage.
Nous passerons un bout de notre temps, le soir, avec les français et les espagnols venus pour le mariage. Nous apprécions les kilos de viandes grillées, les tajines et les merveilleux desserts avant d’aller dans notre lit, un peu tard. Ce matin, nous nous jurions de rejoindre les bras de Morphée le plus tôt possible.
Nous sommes déjà le lendemain. Nous mettons notre tenue de combat, prêts à l’action. Nous avons décidé de réaliser un bouquet de fleurs pris en photo lors du mariage. Nous avons fait venir de la peinture par nos amis. Pour ne pas trop les encombrer, nous leur avons seulement donner du noir et du blanc et quelques pinceaux et bombes aérosol. Pour réaliser la peinture en deux jours, cela nous facilite beaucoup les choses. Nous passons notre journée, coincés entre deux bâtiments au cœur de la ville. Les passants nous croisent, nous félicitent, nous remercient et nous souhaitent beaucoup de courage. C’est parfois très émouvant. On joue avec les enfants et nous œuvrons au rythme de notre mini amplificateur de son… Le temps s’arrête et nous sommes heureux… Nous peignons sans objectif précis, juste pour se faire plaisir et faire un clin d’œil à nos amis, fixer le temps qui fuit. La nuit tombe plus vite que prévu, la ville brille de mille feux et il nous restera quelques longues minutes de travail demain pour rendre notre copie avant de retourner retrouver nos famille et nos maisons françaises…
Aujourd’hui nous laissons ce bouquet à la rue, au regard de tous, nous le laissons exister seul, prendre son envol. Nous savons qu’avec tout l’amour que nous avons mis à l’intérieur, il n’est pas prêt de faner.
Le dernier trajet s’offre à nous, tel un cadeau, un trésor tombé du ciel. Nous sommes dans le taxi qui nous mène de Salé à Casablanca. Les premières minutes passent vite. Nous parlons à bâton rompu avec le chauffeur, autant de temps que nous avons de choses à nous dire. Nous discutons sans efforts. Mais malgré nous, les quelques heures de sommeil manquantes nous rattrapent. Nous nous effondrons littéralement sur la banquette arrière. Même si nos yeux restent collés à notre réveil, nous continuons de regarder les paysages à travers la vitre, comme si nous voyions tout notre voyage sur un écran de télévision.
Nous passons le restant du trajet à nous remémorer, chacun dans notre coin, les moments passés et les belles choses que nous avons vécues en si peu de temps…
Pour finir, nous tenons à faire quelques remerciements.
Tout d’abord, un immense merci à Meryem et Hicham pour nous avoir conviés à partager leur bonheur, et nous avoir donné l’occasion d’être témoins de cette union. On vous aime fort les amis. On se revoit vite car vous nous manquez déjà et nous avons un accord ensemble. Après la peinture au Maroc, ce sera dans votre salon !!!
Une pensée à vos familles respectives. Une tendre et douce pensée à la maman de Hicham et toute la famille, Karim et son épouse, Rabia et Siham, merveilleux trajet à vos côté entre Salé et Casablanca dans le camion des rois du shopping.
Un gros big up à tous les lotois qui ont fait le déplacement, Pierre, Romain, David, Bilel, Sofiane, Foued, Lorian, son amoureuse, et toute la clique… C’était magique !!!
Sans oublier, une pensée à tous les musiciens du mariage, les porteurs, les serveurs, les cuisiniers, les danseurs, les habilleuses, les concierges, les chauffeurs… Tous ceux qui ont rendu cette soirée belle et inoubliable…
En parallèle du mariage, nous nous sommes construit une petite famille pour trois jours. Merci de tout cœur au riad « La Porte du Bouregreg », merci pour votre gentillesse, votre accueil sincère et votre disponibilité. Vous avez été merveilleux.
Merci à Hind pour sa gentillesse, tous les services qu’elle nous a rendus, son grand humour et sa générosité. Merci mille fois. Merci aussi à tonton Ahmed, notre ange gardien. Le meilleur des concierges, celui qui a rendu notre séjour encore plus beau. Nous ne sommes pas prêts de t’oublier. Mille mercis aux deux meilleures des cuisinières jamais rencontrées sur notre parcours. A Salima et Badià, chaque bouchée, chaque plat, chaque jour ont été culinairement parlant incroyable. Vraiment. Merci de tout notre cœur. Si vous lisez ces quelques mots et qu’un jour vous allez au Maroc, que vous passez par Salé, vous pouvez vous arrêter à cette adresse sans vous poser de questions.
Nous finissons notre été sur une incroyable touche, une bulle d’air frais, nous terminons ces deux mois du milieu de l’année avec un voyage inoubliable. Nous sommes déjà allés au Maroc il y a quatre ans et notre deuxième expérience est tout aussi belle. Nous repartons, des images plein la tête et le cœur rempli d’amour pour les semaines, les mois et les années à venir.