Alors que nous étions en pleine exposition dans notre atelier fin juin, début juillet de cette année en cours, nous avons été contactés par l’Office de Tourisme de Brive. Après un premier contact téléphonique, nous nous donnons rendez vous à Brive quelques jours après pour un déjeuner. Ils veulent que l’on bosse pour eux au mois de décembre mais vont devoir nous convaincre car habituellement nous sommes pris à la période qu’ils souhaiteraient réserver. Nous discutons du projet et prenons conscience de l’ampleur de cette future aventure. Ils nous appâtent tels des poissons rouges dans un bocal en nous promettant de grandes façades et ça c’est vraiment ce que nous aimons faire dans notre métier. Après un grand nombre d’échange d’email, d’appels téléphoniques et plusieurs rendez vous sur place, nous ficelons au maximum le projet et nous nous arrêtons sur la peinture de deux grosses façades, un bus anglais et plusieurs murs en centre ville. En cette belle fin d’année 2017, les grottes de Lascaux vont ouvrir une nouvelle grotte qui deviendra le plus gros musée d’art pariétal au monde. Après la grotte originale, Lascaux 2, qui fut la reproduction des grottes, Lascaux3, une annexe, Lascaux 4 sera la reproduction à l’identique de la grotte découverte en septembre 1940 et va attirer un grand nombre de spectateurs. Brive étant la plus grosse ville et à à peine quarante minutes de Montignac. Ils y voient alors clairement un atout géo politique et économique à réaliser des fresques. Même si c’est le cas, de notre côté nous oublions cet aspect et nous recherchons quelque chose de plus humain. La thématique nous plaît, nous parle et nous inspire. Nous sommes alors prêts à nous plonger dans différentes histoires qui vont agrémenter nos peintures.
Pour être très francs avec vous, nous avons connu des départs beaucoup plus organisés et simples que celui ci. C’était même très difficile de se projeter et d’imaginer un jour arriver à terminer cette peinture qui fut, comme l’a repris la presse « une putain de galère ». Mais avant la peinture il y avait tellement de choses à régler. Nous ne vous parlerons pas de l’aspect financier et signature de contrat qu’on attendait sérieusement depuis des mois et qui nous a amené beaucoup de stress. Mais nous irons directement à l’étape de la réalisation. Après un petit week end bien reposant chacun de notre côté, nous nous retrouvons à Sarlat en Dordogne où nous avons un déjeuner de prévu avec Thierry Felix, historien et personne très « calée » sur la grotte et son histoire. Tout au long de ce repas, nous buvons les paroles du grand monsieur et écoutons au mieux tout ce qu’il nous raconte. Nous aimerions que le temps s’arrête et continuer de parler et écouter pendant des heures et des heures. Rémi prend des notes sur des petits bouts de papier ou sur la nappe et nous prenons quelques photos souvenirs. Dès cette première rencontre les images se bousculent dans nos têtes et nous avons envie d’en savoir plus. Thierry nous offre deux livres que nous découvrirons de manière attentive par la suite. Puis nous irons dans un parc de la ville à quelques dizaines de pas du restaurant pour prendre une photo des mains de Thierry Felix en train de tenir une photo de sa propre collection. Sur cette vieille photo en noir et blanc il y a Léon Laval. Nous nous sommes intéressés à ce personnage pour la réalisation de cette œuvre. Son fils, François, aujourd’hui décédé, a sorti un livre que nous avons aussi potassé « Mon père, l’homme de Lascaux ». Et donc pour cette peinture, nous nous sommes intéressés au personnage de Léon Laval, ancien instituteur à Montignac (24) et le monsieur « culture » du village. Ce fut le premier à être mis au courant de l’existence de la grotte par Jacques Marsal un des quatre adolescents inventeurs de Lascaux le 16 septembre 1940. Il comprit très vite l’ampleur de la découverte et fit prévenir l’abbé Breuil, appelé « le pape de la préhistoire », qui séjournait par hasard à Brive le 21 septembre. Léon Laval fut un personnage clé et joua un rôle très important pour Lascaux jusqu’à son décès en 1949.
Concernant le visuel, nous très contents mais par la suite nous nous rendrons très vite compte que nous allons passer deux semaines assez compliquées. Nous avions dit que nous peindrions un bus à la seule et unique condition de le peindre en sa totalité. Sauf que nous nous rendons aussi compte que le terme « en sa totalité » est complètement différent pour nous anciens graffiteurs et pour les autres personnes. Nous pensions à quelque chose où nous aurions eu la possibilité de peindre même les roues et surtout les vitres. Ce qui n’a pas été très bien compris puisque nous devons laisser les vitres. Nous rencontrerons Mathieu qui est le propriétaire du bus. Nous passons aussi plusieurs jours à le nettoyer. Puis après scotcher toutes les parties que nous ne peindrons donc pas. Notre métier d’artiste peintre se transforme en carrossier. Nous sommes installés sur une place de Brive pour la réalisation de tout ça mais malheureusement nous ne tombons pas à la meilleure période car le temps ne nous est pas du tout favorable. Il pleut sans cesse. Nous pouvons le nettoyer mais toute la partie scotch et sous couche va vite devenir impossible. Après plusieurs jours d’essai nous prenons la décision de trouver un endroit abrité sinon nous ne ferons pas du bon boulot. Nous essayons tout de notre côté pour trouver des solutions mais le temps nous est compté. Nous nous rendons d’ailleurs très rapidement compte que tous ces aléas ont eu beaucoup d’incidences et d’influence sur notre préparation et par exemple alors que la fresque est presque finie nous choisissons de refaire toute une partie du fond car le choix des couleurs ne nous représente pas du tout. Nous n’avions pas été assez attentifs. Nous espérons que cela ne se reproduira plus. Nos journées et la préparation de cette semaine de travail ont été très compliquées et nous sommes très heureux d’être arrivés au bout. Avec du recul, ce qui est sûr, c’est que nous avons vraiment été quatre dans une pure galère. Nous remercions alors Capucine, qui travaille à l’office de tourisme de Brive. C’est elle qui coordonne ce projet et qui en a vu de toutes les couleurs ainsi que Mathieu pour sa patience. Comme vous avez pu le voir sur les photos au dessus nous avons aussi choisi de mettre une sous couche sur le bus en blanc pour peindre le support le plus sein possible. Nous devions colorier ce bus en plein centre de Brive au milieu des gens, alors qu’il commençait à faire beaucoup parler dans la rue et dans les médias nous avons dû nous enfermer dans un hangar, notre grotte à nous pour faire un meilleur travail. Malgré tous les points négatifs si nous devions le refaire nous ferions tout pareil. Une fois fini, lorsque le bus a pris la route et s’est garé devant le théâtre en plein centre de Brive, lorsque nous avons vu la réaction des gens en vrai ou sur les réseaux sociaux, nous sommes très heureux de tout ce qui nous a amené là.
Nous n’oublierons jamais ces quelques jours de joies et de galères, effectivement beaucoup de galères auxquelles nous ne pensons presque plus en fin de projet. Nous n, oublierons jamais ces heures sous la pluie à nettoyer ce bus, les toilettes publiques où nous allions nous brancher, les clés, la réaction des gens, le fait de le préparer et le bichonner, l’accrochage avec cette barrière, le vandalisme de la première nuit la banquette volée, les kilomètres de scotch et de bâche, les protections rouges au sol, les heures de réflexion, la lueur dans les yeux de Thierry lorsqu’il nous parle de cette fameuse grotte, les heures à étudier différents ouvrages autour de la thématique, les écrits sélectionnés, la conférence de presse, les flash des paparazzi, les interview pour l’office, TV5 Monde, France 3, les photos et les témoignages, les coups de téléphone à Capucine, la harceler de messages pour avoir gain de cause, le brouillard du matin, les sandwichs de cette fameuse boulangerie, les meilleures madeleines au monde. Et il y a aussi ce premier repas, les 26 ans de Mathieu au pied du bus avec ces potes, les changements de couleurs, les heures passées à échanger autour du fait de peindre un bus, enlever le scotch et voir notre émerveillement puis il y a toutes ces questions que nous nous posons et auxquelles nous n’aurons jamais les réponses.
Lorsque nous nous remémorons cette semaine de travail nous pensons obligatoirement aux trajets de chez nous jusqu’à Brive, voir le soleil se lever, le soleil se coucher, se réveiller après peu d’heures de sommeil, transpercer le brouillard avec notre voiture. Nous n’oublierons jamais les grosses gouttes de pluie qui tapent sur la tôle ondulée, la fraîcheur du matin et nous en train de se répéter que nous avons fait le bon choix de se mettre à l’abri. Nous savons fortement que dans quelques semaines il ne restera de cette histoire que ces quelques photos, ces dizaines de lignes rédigées avec fierté, passion et fatigue, la peinture sur le bus, les articles de presse et tous les compliments qui ont été dits à notre égard. Nous pensons encore à ces heures de galères où nous étions en petit comité, Capucine, Mathieu et nous à essayer de prendre des décisions. C’était incroyable le moment où nous étions tous les quatre dans ce squat immense où nous nous posions la question si on amenait le bus ici puis il y a eu le soulagement lorsque nous avons eu l’accord et la solution. C’était génial de rencontrer les chauffeurs du bus, nous avons été émus de voir toute la belle famille de Mathieu venir au hangar après l’enterrement de mamie Lulu, les discussions avec Aurélie, les pansements sur nos doigts, les copains, Lolo, Jean Pierre, les artisans, Carglass qui change le pare brise dans le hangar alors que nous peignons le bus, laver les rouleaux dans le noir, décrocher les portemanteaux pour orner une future pièce de un de nous. Il y aura, comme à chaque projet toutes ces images qui se bousculent. On nous a demandé lors d’une interview si nous étions des gaillards, nous avons répondu oui et en énumérant toutes ces choses notre réponse reste la même. Si c’était à refaire nous referions tout et comme à notre habitude nous ne baisserions pas les bras au moins pour les gens qui nous ont embarqués dans cette histoire et que nous avons suivis les yeux fermés mais avec la grande satisfaction de les rouvrir encore plus contents et heureux de faire notre métier. Nous avons déjà hâte de vous faire découvrir nos prochaines peintures autour de cette thématique très intéressante et de plus en plus enrichissante au fil des jours. Nous avons vécu des trucs de fou que nous vous ferons partager sur les prochaines façades.
Comme à chaque aventure et à chaque projet, nous avons des dizaines et des dizaines de personnes à remercier. Il y a toujours des officiels, qu’on voit pas ou très peu quand on a les deux pieds dans la merde ou les mains dans la peinture mais sans qui le projet n’existerait pas puis toutes les personnes avec qui nous partageons de nombreux instants bons ou mauvais puis ceux avec qui on a clairement ces pieds dans la merde et on avance petit à petit pour arriver au bout de notre projet.
Dans un premier temps nous remercions infiniment la mairie de Brive, l’office de tourisme et les Treize Arches. Plus particulièrement nous adressons toutes nos plus sincères salutations à Frédéric Soulier qui est le maire de Brive, Président de l’agglo du bassin de Brive et Président de l’EPCC des Treize Arches, Oliver Nicaud directeur services techniques mairie de Brive, Hubert Mercier, Architecte des bâtiments de France, Jean-Paul Dumas directeur des Treize Arches, Yves Gary président de l’Office de Tourisme de Brive, Stéphane Canarias Directeur Général de l’Office de Tourisme de Brive, Corinne Arazo administratrice des treize arches, Patrick Coutant responsable com treize Arches, David Della Vedova directeur technique Treize Arches, Christian Roques Régisseur Général Treize Arches, Clémentine Frechinos responsable com Brive Tourisme, Sandrine Peny à l’agglo de Brive et Lionel Teulade également à l’agglo de Brive, et Mr Brousse de Brousse immobilier ainsi que le propriétaire de l’entreprise TEMACO Guy ainsi que son épouse.
Un grand merci et smile qui remplit le visage à toutes les personnes que nous avons croisées ou même qui ont réagi sur les réseaux sociaux. A Mathilde, Liza, Perrine, et même Michel qui est un peu fautif de tout ça, dans le bon sens du terme nous précisons. Merci à cette belle famille.Un immense merci quand même à la dernière, chaton, chacha, plus communément appelé Capucine qui s’investit plus que jamais, qui fait de son mieux et qui fait vivre ce projet merveilleusement bien. Ça a été très dur pour nous mais nous imaginons la difficulté pour toi aussi. On se rappelle les tous débuts, les premiers rendez vous, les premiers échanges de mails et aujourd’hui on y est à fond, les deux pieds dedans comme on dit. On espère que nous ne sommes pas trop relou avec nos caprices de star lotoise et que tu seras aussi fière du résultat que nous avons mis du cœur à l’ouvrage. En tous cas tu as nos félicitations et un très très gros et grand bravo.
Ensuite, sur ce premier coup nous n’aurions pas fait grand chose sans toi Mathieu qui a spécialement ramené ce bus d’Angleterre. On ne baisse jamais les bras et on essaie de faire au mieux. Nous avons vu en toi la même passion et envie que nous avons aussi. Nous avons vu en toi un mec un peu fou presque autant que nous pouvons l’être. On s’est tapés de belles barres de rires, quelques petits coups de stress mais on y est arrivé et en partie grâce à toi. Que de rebondissement sur ce projet !!! Bravo. Puis on s’est rendu compte au fil des jours et des heures que nous avions plein de points communs. Sur les prochains jeux paralympiques on compte sur toi pour être sur le podium et même lui mettre une grosse raclée au norvégien. Si t’as des survets et des polos en rab on est preneur et surtout dès qu’on est sorti de cette galère avec ce projet on va se la faire cette bouffe !!! Prend soin de toi et encore merci pour tout ce que tu as fait durant ce projet.
Une toute dernière pensée et un hommage à la grande personne que fut Léon Laval. Nous avons adoré nous plonger dans son histoire et celle des grottes de Lascaux. Ce n’est que le début !!! Merci infiniment à Thierry Felix pour nous avoir conté cette histoire et nous avoir plongés au cœur de cette somptueuse aventure.
Enfin, voici les quelques phrases que nous avons réécrites sur ce support et sélectionnées dans le livre écrit par François le fils de Léon Laval. :
· J’expérimentais la nuit souterraine, seul, sentant la présence des figures animales dont j’aimais les couleurs chaudes. Je percevais les voix qui s’éloignaient, l’ombre m’enveloppait. Je respirais le parfum frais de la roche et de l’argile.
· Je distinguais les fines têtes cornues des vaches rouges et noires, le petit cheval jaune avec sa crinière pelucheuse étirant le bout de son nez.
· En septembre 1940 la découverte de la grotte de Lascaux fait irruption dans la vie de Léon Laval qu’elle va transformer en profondeur.
· Ils sont grands ces dessins ? Ah oui ils sont grands. Il n’y en a beaucoup qui ne tiendraient pas sur les murs de votre cuisine.
· Il faut que j’aille voir cette grotte… Il le faut… Je crois que c’est sérieux…
· C’est un miracle, un miracle, une grotte plus belle que Font-de-Gaume, probablement même qu’Altamira.
· Il marmonne et répète les exclamations stupides que l’on dit quand l’importance de la surprise est trop grande pour que l’on puisse s’exprimer calmement.
· Mon père a été pris totalement par la grotte, elle l’occupait physiquement et mentalement. Il y montait tous les jours.
· Il faudrait demander au père éternel d’installer notre belle grotte dans un point de notre paradis des collines célestes.
· Les lampes tenues par Ravidat et Marsal se balançaient diffusant des plages de lumières qui dansaient sur les parois. Aujourd’hui je peux seulement dire de mon sentiment d’alors, qu’il était celui du bonheur.
· Le soir avant de m’endormir je visitais la grotte en image dans ma tête.
Merci de nous avoir lu. Il nous reste deux grosses actions au niveau de ce projet sur Brive. Nous sommes en train de réaliser une façade qui sera terminée vendredi et nous reviendrons fin janvier afin de réaliser une dernière œuvre sur un bâtiment très haut. On laisse encore le plus de suspense possible afin de faire planer le doute et l’envie de découvrir de nouvelles choses. Nous sommes très heureux de ce projet et surtout très fiers de toutes ces belles rencontres et moments vécus. A très vite pour de nouvelles histoires et aventures.