Lors de notre exposition à Saint-Céré fin juin 2014, nous avons rencontré Didier et Annie, et suite au gros mur que nous avions réalisés, ils nous ont parlé d’un projet pour le centenaire de la première guerre mondiale. Le but étant de rendre hommage aux femmes de Ladirat et à toutes les femmes qui dans les campagnes ont remplacé avec courage les hommes dans tous les travaux des champs. Les citations proviennent des courriers échangés entre ces femmes et leurs époux dont certains ne sont jamais revenus. Trois mois après notre rencontre (officielle) les habitants de Ladirat avaient ce mot dans leurs boîtes postales.
Le 25 Septembre 2014
« Pour ce centenaire, l’équipe du conseil municipal souhaite rendre hommage aux poilus mais aussi et surtout aux femmes qui se sont battues pour continuer à faire vivre les campagnes : aux commandes des exploitations, elles ont assumé les travaux des champs, la famille et ont éclairé l’espoir le retour des combattants, les nombreux courriers en témoignent…
Pour que cette mémoire perdure , une œuvre artistique va venir embellir le cœur de notre village. Le mur nord du bâtiment de la salle des fêtes étant à repeindre il servira de support à une œuvre graphique qui sera réalisée par des artistes locaux renommés : Sismik et Azot. Ils réaliseront une fresque d’après une photo d’époque prise à Ladirat et de phrases extraites de courriers échangés entre les époux de la commune.
Nous remercions à cette occasion toute les personnes qui ont bien voulu nous confier les documents personnels en leur possession, suite à la demande formulée lors du repas communal de cet été. Les artistes interviendront du 30 Septembre au 5 Octobre, nous vous invitons à venir les rencontrer.
Une inauguration est prévue pour le mois de Novembre. »
Le conseil municipal de Ladirat
Voici les extraits de lettres que nous avons réécrit sur ce mur…
Tu me dit que tu ne peux rien me raconter de la guerre, mais il ne faut pas que ça t’empêche de m’écrire.
Et comme moi tu penses aux jours heureux que nous avons passés.
Moi je suis à l’abri et toi à la pluie car il a fait aujourd’hui un temps plus mauvais que jamais et si tu es dans les tranchées en ce moment tu dois être trempé jusqu’aux os.
Puisque les événements de cette maudite guerre ne veulent pas nous laisser vivre tranquilles.
Avant la fin de cette guerre, il n’y aura plus beaucoup d’hommes.
… que je serai heureuse de pouvoir venir près de toi prendre part à tes peines et tes souffrances, il me semble que la charge sera moins dure.
Reçois mon tendre époux les meilleurs baisers de ton épouse qui pense à toi nuit et jour et qui t’envoi les meilleurs souvenirs.
Si je n’ai pas d’huile d’olive pour les machines, je ne faucherais pas demain.
Je travaille plus qu’à ma force, j’économise le plus possible, alors tu n’as pas à craindre.
J’ai passé trois jours sans écrire mais que veux tu le temps était beau et il y a beaucoup d’ouvrage.
La première fois que j’ai sorti la machine de la grange, quand j’ai été dans le pré, la sueur me descendait partout tant j’avais craint me mettre à l’ouvrage.
Comme toujours j’écris pendant que les autres dorment.
Les bœufs forts travaillent bien pour faucher.
J’espère que tu viendras pour moissonner, le blé noir c’est très difficile et impossible de faire comme si tu n’existais pas puisque je n’ai pas d’autre consolation que toi. Je vis pour toi alors faut pas que ça t’embête si je te demande conseil je n’ai recours qu’à toi.
A quand la fin que l’on ait plus besoin de s’écrire pour se raconter nos peines et nos misères.
Il pleut et peu importe les foins, je serai assez heureuse et je serai heureuse si je te savais heureux toi-même.
Il paraît que vous avez du pain très mauvais, presque immangeable. Pourquoi ne me demandes tu pas ce ce qu’il te faut. Je ne veux pas que tu souffres plus que nous.
Les journées sont longues, les nuits aussi. Si je vis c’est pour nos enfants dans quoi je finirai tout chagrin.
Nous sommes bien malheureux et il y en a d’autres comme nous. On n’entend parler que de morts et de blessés.
Je n’ai rien arrêté sans recevoir tes conseils.
Vous avez soigné mon cher mari, il vous en remercie j’en suis sure au-delà de la tombe des soins que vous lui avez donnés.
Puis la veille d’avoir terminé notre réalisation Gilberte a écrit ces quelques lignes…
Un hommage aux femmes des campagnes pendant la Guerre de 14-18 à Ladirat
« C’est un choix audacieux que le Conseil municipal a fait pour marquer ce centenaire, en commandant une œuvre graphique à des artistes du Street Art pour raviver les mémoires, rendre hommage aux femmes de Ladirat et à toutes les femmes qui dans les campagnes ont remplacé avec courage les hommes dans tous les travaux.
Cet été, lors du dernier repas de la commune, un appel avait été lancé par Didier Saint Maxent auprès des participants pour emprunter courriers, photos datant de la guerre 14-18. Après sélection par un comité d’une photo prise à Ladirat, le choix de textes extraits de courriers échangés entre maris et femmes, le projet a été soumis à deux artistes locaux Sismik et Azot. Ils ont de belles réalisations à leur actif (mur « L’insouciance » près du Lycée de Saint Céré, l’exposition « La Joie de Vivre » à la Maison des Consuls, mur « Stromae» au Printemps de Bourges…), une notoriété qui monte. Le Conseil municipal leur confie la charge de peindre un mur de 90m2, comme une passerelle de l’histoire locale.
Le 30 septembre ils commencent la mise en oeuvre et terminent la fresque ce dimanche 5 octobre.
Cette page intitulée « Mon cher époux » dans des tons sépia, ne peut pas échapper au regard… elle distille les larmes et les mots empreints de gravité, de douleur, d’inquiétude et de tendresse. C’est une œuvre émouvante, unique, un lien entre les générations…
La semaine passée avec Rémi et Paul « Sismik et Azot » a été une période de découvertes et d’échanges, ils ne se la jouent pas, ils sont talentueux, accessibles, à l’écoute des gens. Voir leur œuvre prendre forme, se construire, ce n’était pas banal. Maintenant qu’elle existe, elle doit être partagée… lecteurs, amis, curieux, faites passer le message, un détour par Ladirat s’impose ! »
Voilà, c’est avec une petite larmichette et un petit pincement au cœur que nous avons quitté notre village d’adoption d’une semaine dans les montagnes lotoise. Nous avons vraiment passé une semaine mémorable, gravée à jamais dans notre cœur et mis ce dossier « Mon cher époux » dans le tiroir de nos meilleurs souvenirs. Loin des jungles de bétons mais aussi à des milliers de kilomètres des clichés de la campagne profonde, nous avons rencontré des gens simple, intéressant et passionnés, des personnes riches (pas dans le porte billets mais dans la tête)… passés des moments géniaux, goûter des petits plats extraordinaires. Bref, accueilli comme des princes nous avons eu la chance de pouvoir visiter plusieurs fermes, un four à pain… De très belles expériences et une découverte à chaque pas.
Ladirat est un petit village d’une centaine d’habitants où il y a forcément des idées et des manières de voir avancer les choses différentes. Mais l’avion est piloté par un maire sensationnel, proche des gens, dévoué, à l’écoute, tolérant, ouvert, passionné par son village et par l’histoire de celui ci. Pour son quatrième mandat il ne baisse pas les bras et petit à petit les choses avancent. Son conseil, ses adjoints s’activent aussi pour le village, qui va devenir une grande mégapole française et peut être le site le plus visité du Lot bien devant Rocamadour.
Vous n’avez plus qu’à prendre votre voiture, vos baskets, vos pieds, votre cheval, le métro ou le bus Ligne P (paradis) et aller voir notre fresque. Quand on dit notre fresque ce n’est pas Sismikazot mais nous tous (les gens que l’on va citer dessous).
Dessous c’est maintenant.